Claude NICOLET

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Rgion_Nord_Pas_de_Calais_2Je me suis opposé le vendredi 21 octobre, lors de la séance plénière du Conseil Régional Nord Pas de Calais, à une motion déposée par le groupe Europe Ecologie les Verts à propos de la défense des langues régionales. Sauf qu'en réalité ce n'était pas de cela dont il était question. La pratique des langues régionales ne me pose pas de problème. Pas plus qu'elle n'en pose au MRC.  Car ce qui était recherché, c'était l'adhésion à la plateforme des langues régionales de l'Association des Région de France qui elle même renvoie à la Charte des langues régionales et minoritaires. Voilà le fond du problème que ni les Verts ni l'UMP n'ont voulu aborder.

Car si la France a en effet signer cette charte, Jacques Chirac s'y est toujours farouchement opposé et le conseil constitutionnel dans sa décision n° 99-412 DC du 15 juin 1999 dit bien que certaines dispositions sont contraires à la constitution française, notamment en ce qui concerne le principe d'égalité, ce qui n'est pas rien. Les débats furent longs et intéressants. Certains groupes ont devant la force de mes arguments changés leurs votes. Le FN était pour il a finalement voté contre et l'UMP qui était favorable a finalement décidé de ne pas participer au vote. Même chez les Verts il n'y a pas eu unanimité. Le groupe Socialiste, Radical et Citoyen m'a suivi moins une abstention. Ci après le contenu de mes interventions.  

 M. NICOLET: Merci, Monsieur le Président. Je voterai contre cette motion, je vais, bien évidemment, indiquer lesraisons qui me poussent à cela, tout d'abord j’y relève quand même un certain nombre d’incohérences, qui pourraient éventuellement être levées. Le fait qu’il est demandé d’adhérer à la plate-forme des langues régionales votée par l’ARF, elle-même, renvoie à la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires très clairement,puisque c’est dans son premier alinéa : « mesures générales »,premièrement, « ratification par la France de la Charte européenne des langues régionales minoritaires », ce qui, de fait, rend, dans la motion,caduques les propositions sur la reconnaissance de l’intérêt social,culturel, patrimonial, à l’exception des alinéas 3-3 et 3-4, puisque, de fait, ils se retrouvent dans la charte précitée. Il y a donc déjà là une difficulté de rédaction.

 

Ensuite, sur le fond, qu’un certain nombre de nos compatriotes, de nos concitoyens, parlent le flamand occidental ou le picard, qu’ils souhaitent l’apprendre, le faire apprendre par leurs enfants ou leur famille, bien évidemment, c’est leur droit le plus strict, mais est-ce qu’il relève des collectivités locales d’indiquer ce que doit être le contenu de l’enseignement à l’Éducation nationale ? Je pense qu’il y a là, comme l’a dit Bruno MAGNIER, une question qui mérite plus qu' une motion débattue ici, au Conseil régional Nord - Pas de Calais, parce que cela veut dire aller véritablement au coeur de la définition des programmes de l’Éducation nationale, et je vois là une perspective lourde de dangers.

Et puis, parce que je suis fidèle à la tradition de JAURES : "le socialisme, c’est la République jusqu’au bout" ; qu’est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire qu’effectivement, la République est un outil d’émancipation au service du peuple, d’émancipation sociale, économique et culturelle, et que cette question est quand même une question, qui mérite d’être posée et de ne pas faire l’objet d’une motion.

Aujourd’hui, très honnêtement, dans la situation dans laquelle nous sommes, à l’heure d’un malaise gigantesque dans l’Éducation nationale, dans l’école de la République, où 120 000 postes auront été supprimés durant ces cinq ans, est-ce bien la priorité ? À l’heure où les plus grands universitaires, des géographes, des historiens, je pense à la tribune dans « Le Monde » de Rémy KNAFOU sur l’enseignement de la géographie de la France qui est supprimé en première, je pense aux dernières déclarations de l’historien Pierre NORA, par exemple, il lance un cri d’alarme sur la disparition pure et simple d’un certain nombre de contenus d’enseignement, où la France se retrouve coincée, voire disparaît, entre les régions d’un côté et l’Europe de l’autre. Là aussi,cela mérite que l’on s'y intéresse. Est-ce aussi la priorité, à l’heure où les enfants et les familles,notamment issues des milieux populaires, les plus modestes, les plus en difficulté, et n’ayant plus que l’école de la République à leur disposition pour tenter de s’élever et d’accéder à la connaissance, est-ce bien là, la priorité, alors que l’enseignement du français, aujourd’hui, est si malmené et qu’il est le vecteur de l’accès à la promotion sociale,avec l’enseignement des langues ? Bien sûr qu’il faut faire la promotiondes langues, mais il faut enseigner l’espagnol, l’italien, l’arabe, le portugais ; il y en a beaucoup dans la région de Tourcoing, par exemple. Est-ce bien là, la priorité à l’heure des revendications identitaires, cela a été souligné, au contenu parfois dangereux, qui peuvent fragmenter des sociétés et qui fragmenteront l’école ? Est-ce bien la priorité que d’introduire un élément supplémentaire de concurrence entre les établissements et dans les établissements ?

Dans la motion, il est précisé : « favoriser la création artistique en flamand ou en picard », mais si nous favorisons la création artistique, nous la favorisons en tant que telle, par rapport à la qualité qui est la sienne, pas par rapport au fait qu’elle soit en flamand ou en picard ; il y a quand même là une source de réflexion à avoir sur le fait de soutenir quelque chose parce qu’il est dans telle ou telle langue. Voilà les raisons qui me poussent, Monsieur le Président, à voter contre cette motion.

Différentes intervention se font.

 M. LE PRESIDENT: Très bien, je mets l’amendement aux voix…Monsieur NICOLET ?

M. NICOLET: Je voudrais simplement répondre.Que les choses soient bien claires, il n’y a, de notre part, bien évidemment, aucune hostilité, moi qui suis Dunkerquois en plus, à la pratique du flamand occidental ou du picard. Quel est mon problème ? C’est un problème, qui est de fond, parce que c’est bien sur la motion que l’on va voter, pas sur autre chose,me semble-t-il. Cette motion fait effectivement allusion à la plate-formede l’ARF, qui renvoie elle-même à la Charte européenne des langues régionales et minoritaires, et que, dès lors, on est engagé sur des processus juridiques et administratifs qui nous contraignent et dont il faut avoir conscience, parce que ne pas en avoir conscience serait quand même s’engager à la légère. Je dis que le processus législatif est en route, il faut le laisser aller à son terme, parce que c’est à ce niveau que doit se faire le débat ; ce n’est pas à une collectivité locale, je le dis et je le répète, de s’immiscer dans ce que doivent être les contenus pédagogiques de l’école et de l’Éducation nationale, parce que nous ouvririons là une porte qu’il serait très difficile de refermer.

Je dis ensuite qu’il faut aller voir les choses, il faut aller lire ce texte présenté par le Conseil de l’Europe : la Charte européenne des langues régionales et minoritaires. D’abord, il n’y a pas de minorité en France, que je sache, il n’y a que des citoyens. Là encore, nous nous engageons dans une perspective qui nous échappera. Que dit ce texte ? Il dit que c’est un droit imprescriptible, que chaque locuteur peut exiger de s’exprimer – ce qui est, bien évidemment, légitime et normal – dans sa langue, en l’occurrence le français pour ce qui nous concerne, maternelle, langue officielle ou langue minoritaire, et qu’il peut demander, exiger et que cela doit être lui être accordé de se voir reconnus tous les droits publics, ester en justice dans la langue minoritaire, que tous les actes administratifs soient rédigés dans la langue minoritaire. Est-ce qu’on a conscience du risque de fragmentation de la société que cela peut représenter ? Monsieur BATAILLE, je vous vois déjà plus hésitant.

M. BATAILLE: Pas du tout.

M NICOLET: La réalité est celle-là. On s’engage donc sur ces processus, ces processus sont des réalités et ils nous engagent, donc nous ne devons pas le faire à la légère, et c’est ce qui motive mon opposition, certainement pas la pratique du flamand occidental ou du picard, parce qu’il y va d’une certaine conception même de la République et de l’égalité que nous nous faisons tous les uns et les autres et quand même de 200 ans de processus de construction historique ; la réalité est quand même celle-là.

La motion a été repoussée.