Claude NICOLET

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Sénat 12 octobreSur la photo de gauche à droite, le professeur Arnaud Scherpereel de l'université de Lille, Claude Nicolet, Christian Hutin et Marc Grégoire, directeur de recherche en cancérologie de l'Inserm de Nantes.

J'ai eu l'occasion de participer avec Christian Hutin, député du Nord, ce vendredi 12 octobre, à "la journée internationale des victimes de l'amiante" au Sénat. Ce colloque organisé par l’Andeva, a rassemblé 260 participants - scientifiques, décideurs, médecins, acteurs de terrain, militants associatifs, victimes de l’amiante et leurs proches – en provenance d’une vingtaine de pays.

La première demi-journée nous a permis de faire le point concernant des références sur l’épidémiologie des cancers dus à l’amiante et sur les progrès - modestes mais réels - concernant les thérapies.

La deuxième demi-journée a détaillé la situation et les spécificités des régions du globe, concernant l’amiante, la prise en compte des dangers et la situation des victimes, à travers les interventions de médecins, inspecteurs du travail, acteurs de terrain, militants associatifs, victimes de divers pays (Europe, Canada, Brésil, Inde, Japon, Corée, Afrique, etc).

1. Le contexte

La connaissance des dangers de l’amiante est très ancienne, on cite souvent en France le rapport de l’inspecteur du travail Auribault (1906) comme la première alerte. Le caractère cancérigène est solidement établi depuis plus de cinquante ans (études de Doll dans les années 50 et Wagner en 1960) et une quantité impressionnante de données épidémiologiques a été depuis accumulée. Cependant la connaissance scientifique a été beaucoup trop lente à être traduite en action de prévention et les régions du globe sont aujourd’hui dans une situation d’inégalité criante. Tous les pays utilisant ou ayant utilisé l’amiante doivent faire face aujourd’hui à une épidémie de cancers ; la situation concernant la prévention de ces cancers et l’indemnisation des victimes est cependant très contrastée.

L’amiante est interdit dans tous les pays de la communauté européenne et dans une trentaine d’autres pays, mais plusieurs pays restent de gros producteurs (Russie, Chine, Brésil, Kazakhstan, Canada) ou de gros consommateurs d’amiante (Chine, Inde, Russie, Brésil, Indonésie, etc). L’industrie minière et de transformation de l’amiante continue dans certain pays à répandre la désinformation sur les dangers, aidée parfois par leur gouvernement (voir l’exemple du Canada).

La majorité des victimes de l’amiante sont contaminées lors de leur travail et, les métiers à risque étant majoritairement masculins, une forte majorité de victimes sont des hommes ; cependant on constate aussi un grand nombre de victimes contaminées par une exposition domestique ou environnementale. L’indemnisation des victimes donne lieu aussi à des situations très contrastées. La France peut être donnée en exemple avec la création du FIVA, l’indemnisation aux Etats-Unis est essentiellement le résultat de multiples procédures judiciaires. Dans de trop nombreux pays les cancers dus à l’amiante sont ignorés par les autorités.

2. Contenu et objectifs du colloque

Le choix des intervenants a permi de faire un point sur les connaissances scientifiques concernant l’amiante et de faire un état des lieux de la situation dans différents pays concernant l’utilisation de l’amiante, la prévention des maladies, l’indemnisation des victimes et les actions entreprises et à entreprendre. L’organisation de cette manifestation répond à un double objectif : accroître la diffusion des connaissances scientifiques et développer un mouvement international de santé publique. Cette « journée » internationale s’insère à la suite de plusieurs réunions internationales dont la dernière a été tenue en Italie à Casale Monferrato en Avril 2011 et quelques grands axes ont déjà été dégagés :

-l’appel à une interdiction mondiale de l’amiante ;
-l’urgence d’arrêter le double standard entre les pays industrialisés et les pays en voie de développement – les premiers exportant l’épidémie de cancers de l’amiante vers les seconds ;
-la nécessité d’une meilleure prise en compte des risques dus à l’amiante en place, notamment dans les métiers du bâtiment et de la maintenance ;
-le souhait de développer une priorité pour la recherche scientifique et médicale sur les maladies causées par l’amiante ;
-le souhait de voir se généraliser les principes d’une indemnisation « rapide et équitable » des victimes, tirant les leçons de l’exemple du fonds d’indemnisation français ;

3. Les points pricipaux de l'intervention de Christian Hutin.

Il s'est tout d'abord félicité de la qualité des débats. Les travaux présentés étant remarquables. Il a une nouvelle fois insisté sur le drame, la tragédie de l'amiante et que dans ce combat pour la justice, le travail des associations était essentiel et fondamental. La reconnaissance des victimes était désormais une obligation morale. A ce titre l'action des "veuves de l'amiante" est exemplaire.
Dans un second temps Il s'est attardé sur les questions judiciares et politiques. Nous regardons avec admiration le travail de la justice italienne qui n'a pas hésité à condamner lourdement dans le procès "Eternit", les responsables de l'entreprise. Nous manquons cruellement en France d'une loi cadre qui nous permettrait d'aller au procès pénal, car les vrais responsables doivent payer.

En ce qui le concerne, il tient à être une "sentinelle éclairée" et c'est notamment dans cet état d'esprit qu'il avait entrainé 412 parlementaires l'été dernier à voter une motion pour soutenir les victimes de l'amiante qui se voyaient condamnées par la Cour d'appel de Douai à rembourser des indemnités perçues.

Enfin il a terminé son intervention en direction des scientifiques et des chercheurs qui font un travail remarquable avec peu de moyen ce qui est une injustice supplémentaire. Il faut aider la recherche, c'est un impératif. C'est à dire qu'il faut débloquer des fonds. Je pense en particulier aux travaux du professeur Scherpereel si prometteur alors qu'il ne manque "que" 30 000 euros pour enclencher un nouveau cycle de recherche sur des techniques très prometteuses. Faut-il également rappeler que l'université de Lille est l'une des plus performantes sur la recherche du cancer de l'amiante? Il s'est engagé à tout mettre en oeuvre pour trouver cet argent.