Claude NICOLET

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Ma tribune publiée sur Marianne le 6 novembre 2023.

Le choc de civilisation se produit aux quatre coins de monde et menace largement la France. Il faut accepter de mener sans faux semblants un combat idéologique, politique, philosophique contre l’offensive de l’islam politique afin d’éviter que puisse advenir la guerre civile, explique Claude Nicolet, président de la Nation citoyenne, président d’Honneur du Réseau de Coopération Décentralisée pour la Palestine-Cités Unies France, et ancien président de l’Association franco-palestinienne Dunkerque-Gaza.

Pour les juifs, l'avenir c'était l'espérance. L’espérance s'appuyant sur les épaules de l'incertitude, de l'angoisse et de la tragédie. La vallée où coule le lait et le miel s’est transformée en un torrent de larmes et de sang. Voilà que resurgissent les craintes et les peurs séculaires. Les imaginaires et les souvenirs de terreurs se réveillent. Et ils sont parfois dangereusement puissants. De l'affaire Dreyfus à Auschwitz, de la condamnation de cet officier français à l'extermination des juifs d'Europe, en passant par les pogroms qui parcourent notre histoire, le sionisme se voulait une réponse à ce poison qu’est l'antisémitisme qui a mené jusqu’à la Shoah qu’elle fût par balle ou industrielle. La création de l'Etat d'Israël c'était la sécurité, la paix tant attendue. Cette angoisse existentielle vient brutalement de se réanimer le 7 octobre dernier.

Plus rien ne sera comme avant. Plus rien ne peut être comme avant. Plus rien ne doit être comme avant. Les terroristes génocidaires du Hamas ont frappé le territoire même d’Israël. Pas celui des colonies mais celui de l’Israël de 1947 du plan de partage et de la résolution 181. Le territoire du foyer national juif, celui de l’espérance et du mythe, celui de la sécurité. Le territoire qui devait briser la malédiction multiséculaire et celui de la promesse de « l’année prochaine à Jérusalem ». L’horreur exterminatrice islamiste a atteint l’essence même de ce qui a fondé l’État. La question est donc bien existentielle pour Israël puisqu’à celle de l’antisémitisme, la création de l’État fût la réponse politique et historique apportée. Une attaque terroriste qui se produit alors que jamais le Gouvernement du pays n’a été autant à droite, voire d’extrême droite, faisant de la sécurité l’alpha et l’oméga de sa politique intérieure et extérieure dans un environnement aujourd’hui incandescent où la vie et l’existence de millions d’hommes, de femmes et d’enfants est désormais en jeu.

Deux espoirs brisés

Nous savons ce que veulent le Hamas et ces nouveaux fascistes : la disparition des juifs et de l’État d’Israël dans un contexte de bouleversements des rapports de forces au niveau mondial. Les idiots utiles et dangereux de l’islam radical jouent leur rôle. Surtout en Occident coupable pour eux de tous les maux, de toutes les fautes, de tous les crimes et de tous les péchés de l’Humanité. Il faut reconnaître que de la guerre du Golfe de 1991 (souvenons-nous des mises en garde de Jean-Pierre Chevènement) à l’invasion de l’Irak en 2003 et les mensonges des États-Unis d’Amérique devant le Conseil de sécurité de l’ONU (souvenons-nous de Dominique de Villepin et de Jacques Chirac), en passant par l’attaque et la destruction de la Libye en 2011, les erreurs voire les fautes furent nombreuses et lourdes de conséquences.

Mais aujourd’hui, parti d’une question territoriale – la terre contre la paix, selon le principe promu par Yitzhak Rabin – la nature du conflit s’est transformée. Le sionisme marxisant des pères fondateurs est lentement devenu messianique avec l’impossibilité pour Israël de se dégager de se victoire de 1967. La lutte de libération nationale palestinienne, qui s’inscrivait dans les combats de la décolonisation est quant à elle devenue eschatologique et exterminatrice sur fond de ruine de l’Autorité Nationale Palestinienne.

Mais une même question continue de se poser : Celle des Palestiniens. Le peuple palestinien qui a tant espéré lui aussi, étranger aux massacres européens, se voit aujourd'hui sommer par les criminels islamistes génocidaires du Hamas de rester dans Gaza et de mourir pour lui comme les Allemands, qu’Adolf Hitler considérait comme indignes de lui survivre dans le Berlin en ruine d'avril-mai 1945. Peuple otage enfermé de l'intérieur et de l'extérieur, prisonnier d'identités devenues meurtrières, il n'a plus grand chose à offrir que sa dignité, sa résignation ou sa colère. Mais peut-on, en conscience, lui demander simplement de mourir ou de s’exiler ? Non, bien sûr.

Identités torturées

Évidemment, plus que jamais il est légitime de penser que l’État palestinien s'impose et hélas, mille fois hélas, plus que jamais, il semble s'éloigner. Comment imaginer qu’Israël puisse accepter la création d’un État gouverné par l’islam le plus meurtrier ayant perpétré les pires crimes, armé et soutenu par l’Iran, allié du Hezbollah et de tous ceux qui veulent une « guerre de civilisation » avec l’Occident et ne rêvant que de le détruire ? Mais qui sont les personnages qui auront la capacité, la force, le courage de risquer leur vie, la volonté, la hauteur de vue pour se hisser au niveau de ces histoires tragiques ? Les hommes sans les peuples ne pèsent pas grand-chose...et les peuples, aujourd’hui la veulent-ils, la paix ?

Il faut donc, pour le bien de l'Humanité, tenter de sortir de cette logique de force et de domination pour s'engager sur celle de la justice, de l'égalité et de la liberté des peuples. Je mesure la difficulté, l’immensité du défi. Mais ne pas le tenter c'est prendre le chemin de la guerre généralisée avec les tragédies, les massacres et les exodes massifs de populations qui vont l’accompagner. Car soyons sans illusions et sans aucune naïveté, ceux qui souhaitent une nouvelle Shoah, un nouveau génocide des Arméniens existent. Ils sont à l’œuvre. Une guerre idéologique et civilisationnelle est possible tant les ressentiments à travers le monde sont immenses. Tant les imaginaires et les identités sont torturés, tant les démagogues irresponsables sont dangereux.

Nous ne pouvons plus, nous ne devons plus accepter de voir fleurir dans nos rues et sur nos murs les slogans et les tags antisémites. Les manœuvres qui visent à fragmenter, à fracturer le peuple français sont inacceptables et mettent en danger la cohésion du pays. Elles sont une source considérable d’affaiblissement, ce que recherchent nos adversaires pour ne pas dire nos ennemis de l’extérieur et de l’intérieur. Nous devons, nous, citoyens républicains, nous lever, nous rassembler et refuser la guerre qu’un certain nombre d’entre nous annonçons depuis longtemps et que nous voyons poindre. Cela veut dire accepter le combat idéologique, politique, philosophique, qu’il nous faut aujourd’hui livrer en particulier contre l’offensive de l’islam politique afin d’éviter que puisse advenir la guerre civile. La fraternité républicaine n’est pas un vain mot tout comme l’autorité de l’État que réclame l’immense majorité de nos concitoyens.

La République sans cesse attaquée ne peut survivre sans ses citoyens. Aux hommes et aux femmes de bonne volonté de se faire entendre, de se lever et de dire NON à la barbarie qui vient. Les limites de la complaisance sont dépassées et le pays ne peut et ne doit se laisser fracturer par tous ceux qui ne lui veulent que du mal.