Claude NICOLET

Le site de

Alors que la politique de Barak Obama se déploie petit à petit, j'ai souhaité mettre sur ce site, une analyse que j'avais faite le O5 avril 2008, suite au discours qu'il a prononcé à Philadelphie le 18 mars 2008.Les embûches sur sa route et sur celle de ceux qui voudront l'aider ne manqueront pas. En premier lieu tous les conservatismes qui, dans une "sainte alliance des réactions" ne peuvent supporter la remise en cause de leur vision du monde.

« Nous le Peuple, dans le but de former une union plus parfaite »
Un grand discours de Barack Obama
Où le grand retour de la question sociale.


Le 18 mars dernier, Barack Obama a prononcé un discours à Philadelphie dont l’importance fera probablement date.
Le sénateur Obama, candidat à la candidature pour l’élection présidentielle aux Etats Unis d’Amérique était dans une situation difficile suite à certaines déclarations du révérend Jeremiah Wright, dont il était très proche. Cet homme a en effet eu des propos très durs sur la politique intérieure et étrangère des Etats Unis plaçant Barak Obama en situation délicate. Se démarquant clairement des propos du pasteur, il a néanmoins refusé de le renier en affirmant « qu’il portait en lui les contradictions de la communauté »

 

Ce qu’il y a de passionnant et de remarquable dans ce discours, c’est qu’il procède d’un double mouvement. Il est à la fois une déconstruction et une mise en perspective permettant de produire une vision politique.

Il s’inscrit tout d’abord profondément dans l’histoire de ce pays sans en rejeter les contradictions, en particulier le « pêcher originel » de l’esclavage en décalage complet avec la déclaration d’indépendance. Cette inscription dans l’histoire et dans le volontarisme que cela sous-entend, doit selon lui inciter à l’action. Rien n’a été donné, il a fallu se battre pour conquérir les droits civiques et civils, lutter contre les discriminations pour « réduire l’écart entre la promesse de nos idéaux et la réalité du temps ». Le souhaitable est possible à condition de le vouloir pour tous car il ne peut se réaliser au détriment de l’Autre.

Il pose ainsi clairement la question raciale dans un long préambule à son intervention comme préalable à la bonne compréhension de la réalité américaine qu’il ne faut pas chercher à récuser. Rappelant un certain nombre de vérités sur la société américaine, ses inégalités et les violences qu’elles engendrent. Mais « on ne peut ignorer la problématique de la race » dit-il, elle est profondément enracinée dans l’identité du pays.

Cependant cette violence ne doit rien au hasard mais plutôt au résultat de l’histoire et des politiques qui furent menées aux Etats Unis d’Amérique. Ce pays porte en lui ces immenses contradictions et il ne sert à rien d’essayer de les nier ou de les contourner. Pratiques inégalitaires dans tous les domaines n’ont eu comme résultat que « l’échec et le gâchis comme expérience légués aux générations futures ». Dès lors, le racisme devenait une « définition du monde ». La « colère noire » ne peut être comprise sans cela, et le révérend Wright porte en lui cet héritage.

Mais la force du discours d’Obama tient au fait qu’il analyse aussi les raisons de la « colère blanche » venant des milieux populaires ou de la classe moyenne qui n’avaient pas le « sentiment que son appartenance raciale était un privilège ». Face à la discrimination positive, face aux aides sociales dont les blancs se sentaient exclus, face à ce qu’ils ressentaient comme une injustice et une inégalité, surtout pour ceux qui ne se sentent en rien responsables des crimes esclavagistes. La rancœur est grande et c’est sur ce terreau que la coalition néo libérale puis néo conservatrice s’est bâtie.

Il réussit à déconstruire et à expliquer au peuple américain, les maux dont souffre sa société.

Dès lors il faut voir en face les « vrais problèmes : une culture d’entreprise où les délits d’initiés, les pratiques comptables douteuses, la course aux gains rapides sont monnaie courante, une capitale sous l’emprise des lobbies et des groupes de pression, une politique économique au service d’une minorité de privilégiés (…)° qu’il est temps maintenant de parler des écoles délabrées qui dérobent leur avenir à nos enfants, des urgences médicales aux files interminables et d’un système de santé qui s’effondre, des usines qui ont fermé leurs portes, des maisons qui sont à vendre, des entreprises qui délocalisent dans le seul but de faire du profit ».

Ce faisant, il subordonne en fait la question raciale à la question sociale et à l’organisation sociale de la société américaine.  Il propose alors de mettre en place un projet politique qui permettrait à l’individu de se réaliser et de s’émanciper en tentant de s’affranchir du déterminisme racial qui l’entrave tout en « assumant le passé sans en être victime ». Il ne s’agit pas d’une alliance des races mais bien d’une réflexion sur les structures économiques et sociales de la société américaines.

Le fait de voir revenir sous cette forme la question sociale au premier plan du discours d’un responsable politique américain qui peut devenir Président des Etats Unis d’Amérique, traduit incontestablement une évolution dans le rapport de force idéologique dans ce pays, mais aussi dans le monde.

Certes, Barack Obama est ancré dans la religion et y fait référence en permanence, certes son approche très rapide du conflit israélo palestinien est contestable, mais assurément  un discours différent en terme d’analyse politique, économique et sociale est apparu.

C’est donc en abordant de front ces questions économiques et sociales qui constituent selon Obama le cœur des problèmes de la société de son pays, que l’on pourra aller « vers une union plus parfaite ». Mais qui ne peut se faire qu’à la condition que chaque citoyen, entame le travail de perfection qui permettra à l’ensemble du peuple de prendre ce chemin. Car « les rêves des uns ne doivent pas se faire au détriment du rêve des autres ».

Il faut prendre la mesure des chocs qui sont en train de se produire, crise économique et financière commencée cet été aux Etats Unis, contagion sur toutes les places boursières qui légitime à nouveau l’idée de nationalisation, effondrement de l’immobilier et d’une partie du crédit, renchérissement du coût de l’énergie et des matières premières, instabilité internationale majeure dans la corne de l’Afrique, en Irak, dans le Proche-Orient, en Afghanistan, tensions avec la Russie suite à l’extension de l’OTAN et à l’indépendance du Kosovo…La liste est longue

La question de la place et de la fonction de l’Etat  va redevenir une question politique majeure dans les mois et les années à venir pour apporter de la régulation et de la sécurité aux citoyens. Pour qu’ils puissent vivre dans des sociétés ou ne règne pas seulement la loi du plus fort.

Ce sont ces grands mouvements qu’il faut être aujourd’hui en capacité de percevoir pour bâtir de grands projets politiques éventuellement à l’échelle d’un continent mais aussi à coût sûr, cohérent au niveau mondial. C’est à cette échelle là qu’il faut désormais se placer.