Claude NICOLET

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le_mondeEt si la question des moyens de production et d’échange et de leur contrôle n’était pas si ridicule ? Comment peut s’organiser la régulation sans volonté politique puisant sa force dans la légitimité du peuple souverain ? Car si la « démocratie d’opinion l’a emporté sur la démocratie de représentation », pourquoi ne pas s’interroger sur le fonctionnement des grands groupes qui fabriquent cette opinion. Nous ne sommes plus dans les années 60 ou 70 c’est une évidence. Le grand capitalisme industriel ou patrimonial n’est plus ce qu’il était (quoique). Parmi les puissants d’aujourd’hui on trouve les grandes industries de l’image, de la communication, du divertissement, de « l’Entertainment » ainsi que l’ensemble des supports techniques et technologiques qui en sont les composants dans tous les sens du terme. Les techniques bancaires construites sur des modélisations virtuelles et mathématiques en sont-elles finalement si éloignées ?

En effet en condamnant toute référence au marxisme suite à l'effondrement du Mur de Berlin en 1989, on a voulu nous faire croire que la question du travail, du capital et de son analyse, voire de sa critique, disparaissait en même temps que s'effondrait le monde soviétique. Comme si la question à laquelle tentait de répondre la réflexion marxiste était invalidée par l'échec de la réponse ou de la proposition historico politique qui en fut le fruit. Or la question préexiste à la réponse et même si celle-ci ne convient pas, il n'en demeure pas moins que le questionnement perdure. Derrière la question du travail et du capital c'est aussi celle des moyens de production: production des biens, des services, de la plus-value et de sa répartition, de la richesse et de l'utilité sociale de cet ensemble à laquelle il faut répondre.

C’est bien sûr la question de la Liberté mais aussi de l’Egalité. Dans sa tribune du journal Le Monde (25 août 2009), Henri Weber écrit que les partis socialistes européens à l’occasion de leur première refondation, refusent en 1920 de sacrifier la liberté à l’égalité. En référence à la Révolution russe de 1917. Or l’Egalité a été portée d’abord par la Révolution Française. Ce point est essentiel, pourquoi ? Parce que l’Egalité devait accompagner la naissance et l’affirmation de la Nation comme communauté des  « Egaux », des citoyens. L’Ancien Régime n’avait que faire de la Nation puisque c’était une société d’ordre. En revanche la Révolution ne pouvait s’imposer que par l’émergence de la Nation et reconnaître la prééminence du principe d’égalité pour espérer triompher. Ce fut l’objet de terribles batailles politiques et c’est à ce prix que le Peuple est devenu « souverain ». Combats de Titans dont l’histoire résonne encore jusqu’à nos jours pour qui veut bien tendre l’oreille. La Liberté et l’Egalité doivent donc avancer ensemble. C’est l’exigence républicaine.

L’arrière plan de cette réflexion est la mise au rebut de la Nation comme échelle pertinente de réponse aux crises que connaît la planète. « Crise économique, écologique, morale du capitalisme ». Mais avons-nous à sauver la morale du capitalisme (si tant est qu’elle existe) ?

« Les partis socialistes européens doivent inventer un nouvel internationalisme, car aucun des grands défis auxquels l’humanité est confrontée n’a désormais de solution nationale ». Mais comment faire de l’inter-nationalisme sans les nations ? C’est une contradiction dans les termes. Les réponses les plus efficaces à la crise se sont bien faites au niveau des nations, comme quoi elles sont encore solides. Mais je crains qu’il ne s’agisse d’une vision technocratique des choses.

Certes il faut des réponses internationales et des outils de régulation internationaux à des difficultés qui s’imposent à tous, mais si cela ne s’appuie pas sur les Nations cela repose sur quoi ? Car derrière ce point c’est de la démocratie dont il est question et la démocratie ne vit que dans le cadre des nations où elles exercent leur souveraineté, qui est le cadre de la communauté des « égaux ». C’est ce que vient de rappeler le Tribunal Constitutionnel allemand de Karlsruhe qui avait valu au journal Le Monde de titrer sur deux pages : « L’Allemagne enterre le rêve européen ». Sinon on tombe dans le travers des constructions oligarchiques et technocratiques dont les conséquences inévitables sont l’éloignement du Peuple et en particulier des milieux populaires qui sont ceux qui ont le plus besoin de cette communauté « des égaux », de la Nation Républicaine dont l’objet est de faire avancer d’un seul pas la Liberté et l’Egalité.

Faut-il avoir la cruauté de rappeler les 60% d’abstention lors du dernier scrutin européen. C’est à cette aune là que doivent être analysés tous les résultats des uns et des autres.