Claude NICOLET

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Pierre de SaintignonClaude Nicolet a adressé une lettre ouverte aux responsables de gauche et aux républicains de notre région via son blog. Il a lancé un appel à un dialogue le plus large possible pour tracer une véritable perspective politique. Son initiative permet d’ouvrir un débat public avec nos concitoyens. Voici la réponse que je lui ai fait parvenir le 14 novembre dernier. Elle fait largement écho à la démarche que j’ai engagée depuis 2 mois pour notre région.

Cher Claude,

Je souhaite répondre aujourd’hui à la lettre ouverte que tu as rédigée en direction des responsables politiques de gauche et aux républicains. Cette démarche s’appuie sur une méthode que je souhaite mettre en place et sur une volonté que je veux animer dans notre région.

Les questions que tu poses sont essentielles et doivent, selon moi, faire l’objet d’un débat de fond entre nous. Ce débat doit se faire publiquement à la vue et au su de nos concitoyens, loin des enjeux d’appareil. Probablement avons nous tardé. Mais il n’est pas trop tard, pourvu que nous soyons animés de la volonté de faire vivre une réflexion authentiquement républicaine. C’est donc à un échange, à un dialogue auquel je t’invite à participer.

Dans le début de ta lettre ouverte, tu évoques la nécessité de bâtir un projet républicain, social, patriotique et internationaliste. Je veux m’y attarder.

Le message des Françaises et des Français lors des élections municipales et européennes est celui de la défiance à l'égard de la politique. Ils ont dit leur sentiment que les élus ne pouvaient plus rien pour eux ou pire qu'ils ne voulaient plus rien pour eux. Il renvoie au message porté dans bon nombre de pays européens et qui ouvre la voie à toutes les dérives possibles.

En France, cette montée de l’extrême droite va bien au-delà de la simple sanction d'un Président de la République qui n'aurait pas tenu sa promesse d'inversion de la courbe du chômage et qui aurait renoncé à lutter contre la finance.

Elle vient de beaucoup plus loin. Elle s'enracine dans un sentiment profond qui s'est construit au fil des décennies de crise économique et sociale. En France et depuis plus de 30 ans, l'Etat est devenu impuissant dans un système économique mondialisé synonyme de fermetures d'usines et la Nation perd son identité dans une Europe qui accentue plus qu'elle ne protège des effets de la crise : impuissance de l'Etat et dilution de la Nation, autant dire pour nos concitoyens la remise en cause même deux des principaux fondements de notre République sociale et laïque.

Désormais, les Français considèrent qu'il n'y a pas de différence entre un gouvernement de gauche ou un gouvernement de droite. En dépit des promesses faites au moment des élections, ils considèrent que globalement la même politique est conduite, voire subie. Cette situation explique la montée en puissance de l'individualisme et du repli sur soi au détriment de l'action collective. Elle est d'autant plus inquiétante qu'elle est partagée et portée maintenant par la jeunesse de notre pays. N'ayant connue que la crise, elle se tourne vers l'abstention ou vers le Front national, que nos faiblesses et peut-être nos renoncements ont transformé en alternative politique de notre République.

En Europe, la montée du populisme résulte de l'affaiblissement idéologique entretenu par les droites libérales européennes depuis la chute du mur de Berlin.

Elles ont prospéré sur cet affaiblissement pour abandonner toute idée d'un projet politique de transformation sociale. Sous le double effet du libre-échangisme et du culte de la discipline budgétaire aveugle, notre espace économique est devenu une sorte de « terrain vague » du dogme libéral. Cet affaiblissement idéologique a précipité l'Europe dans la crise. Il l'empêche aujourd'hui de la surmonter en se focalisant sur la seule question du calendrier et du rythme de retour aux équilibres économiques et financiers.

Cette question budgétaire a plus ou moins été adaptée au rythme de l'élargissement qui a permis à l'Europe de retrouver son idéal de liberté et son identité géographique et culturelle. Mais au total, elle a conduit à un projet européen fondé sur la coordination technocratique, là il fallait développer l'intégration autour d'un projet politique et interroger ce que nous sommes par rapport au reste du Monde en termes de valeurs universelles.

Il n'y a pas de fatalité à la crise et à la désespérance en France ou en Europe.

Il n'y a pas de fatalité à voir notre société se replier sur elle-même sous l'effet d'une politique économique et sociale centrée sur la seule baisse des charges des entreprises sans contrepartie et qui perd de vue la priorité qu'il faut donner à l'investissement et à la jeunesse. Il n'y a pas de fatalité à voir notre Région, qui a beaucoup contribué au développement de notre pays, ne pas tirer profit de ses forces et de sa situation exceptionnelle au cœur du foyer de consommation potentielle le plus important d'Europe.

Les élections régionales ne viendraient que consolider la méfiance de nos concitoyens dans la politique et dans leurs élus qui pourtant s'engagent véritablement pour servir l'intérêt général, si nous nous contentions de nous affranchir des politiques menées en France et en Europe dans le seul but d'en minimiser localement l'impact électoral. Ceci est d'autant plus vrai que dans notre Région, dans ses limites administratives actuelles ou dans celles envisagées dans le cadre du rapprochement avec la Picardie, nous sommes directement confrontés à une responsabilité particulière vis-à-vis de la dynamique du Front national.

L'échec du Front national résultera d'une dynamique nouvelle dans laquelle se retrouvent la gauche mais aussi tous les Républicains décidés à construire une Région de prospérité et de solidarité. Cela suppose aujourd'hui de reconnaître pour mieux les dépasser les différences partisanes afin de construire ensemble un projet fondamentalement républicain, à l'image du rassemblement national issu de la Résistance. Cela suppose de ne pas instrumentaliser au niveau régional des oppositions sur la politique nationale, d'autant plus stériles qu'elles sont très largement fictives. Cela suppose de redonner la parole à tous les habitants pour construire avec eux les solutions qui les concernent. Il n'y a pas une minute à perdre pour engager cette démarche dans notre Région.

Notre projet pour la Région met l'émancipation au cœur de tout.

L'émancipation, c'est d'abord celle que l'on doit à tous les jeunes de notre société. C'est une exigence démocratique. Face aux fractures de notre société, nous devons donner à tous les jeunes les moyens de se rencontrer et de se rassembler, nous devons les sortir des « couloirs dans lesquels ils sont né et qui ne se croisent jamais». Nous devons construire les conditions d'accès à l'emploi et à la citoyenneté. L'Europe nous en donne aujourd'hui les moyens dans le cadre de l'Initiative en faveur de la jeunesse.

Le « circuit court » pour l'emploi doit être partout privilégié car il conduit à un double enrichissement, celui des jeunes qui trouvent les moyens de démarrer ou de redémarrer dans la vie, celui des chefs d'entreprise qui découvrent ainsi la richesse de chaque jeune.

Le service civique universel est le moyen privilégié du lien citoyen entre les jeunes et la société. C'est une expérience déterminante pour leur implication, une expérience de vie fondatrice pour qu'ils contribuent à la définition et à la mise en œuvre des politiques publiques.

Notre projet pour la Région s'appuie sur le contrat.

Le contrat, c'est d'abord celui que l'on doit passer avec chaque entreprise. Le développement économique régional s'inscrit dans une dynamique territoriale de compétitivité fondée sur la recherche et l'innovation, la formation tout au long de la vie et le bien-être au travail. Dans notre Région, plus qu'ailleurs l'économie l'emporte encore sur la finance. Aucun euro n'est distribué sans contrepartie sur le nombre et la qualité des emplois créés. Le développement économique ne peut se construire que dans le dialogue responsable entre les chefs d'entreprise et les organisations syndicales.

Le contrat, c'est aussi celui que l'on doit passer avec les habitants pour leur donner tous les moyens d'accéder à l'emploi. Des perspectives importantes existent grâce à l'Union européenne sans laquelle le projet de Canal Seine Nord et l'ensemble des emplois induits pendant la construction et pendant l'exploitation n'existeraient pas. Nous pouvons aller plus loin pour construire ce contrat pour l'emploi en dotant notre Région de nouveaux ambassadeurs : les « ambassadeurs de l'emploi », des personnes volontaires de tout âge, de toute condition, de toute expérience professionnelle, qui constitueraient un formidable réseau sur tout notre territoire, qui à l'image du « circuit court » pourrait créer le plus court chemin vers l'emploi.

Notre projet pour la Région tire vers le haut la valeur ajoutée de chaque territoire et met en œuvre concrètement la transition énergétique

Chaque territoire participe et contribue à l’excellence de la région. Un dialogue permanent avec chacun des acteurs territoriaux permet de conforter les dynamiques et décliner les politiques régionales au plus près des réalités. Nous avons redonné un avenir industriel à notre Région grâce à la transformation de nos secteurs traditionnels et à l'émergence de secteurs émergents. Notre démarche s'appuie sur les 7 pôles de compétitivité et les 14 pôles d'excellence répartis sur tous notre territoire.

Nous devons affronter les enjeux énergétiques, les enjeux de mobilité et ceux de la rénovation thermique des bâtiments avec pragmatisme en répondant aux questions d'approvisionnement et de coût de l'énergie à court et à moyen terme. C'est une question de justice sociale et de responsabilité écologique pour nous-mêmes et pour les générations futures, et aussi un vecteur de l'emploi local.

J’attends, cher Claude, ton retour.
Cordialement,

Pierre de Saintignon