Claude NICOLET

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La_Voix_du_NordLa Voix du Nord du jeudi 27 octobre 2011. LE VISAGE DE L'ACTUALITÉ. Oussama Loukili mêle les cultures: marocaine et française, entreprenariale et associative. De Dunkerque à l'Europe, Oussama Loukili lance des ponts pour la coopération entre les pays. Président du collectif régional des organisations de solidarité internationale issue de l'immigration (COSIM), cet ancien chef d'entreprise qui se partage entre la France et le Maroc revendique la culture de l'efficacitéPar ANNICK MICHAUD. 

« Si tu donnes un poisson à un homme, il mangera un jour. Si tu lui apprends à pêcher, il mangera toujours. » Ce proverbe, supposé chinois, Oussama Loukili le fait sien. Car si, dans le titre du collectif qu'il préside (lire ci-dessous), figure le terme de solidarité internationale, il préfère parler de codéveloppement : « La solidarité, c'est dans un seul sens. Dans le codéveloppement, il y a un retour. »

C'est en chef d'entreprise qu'Oussama Loukili aborde la coopération internationale. Normal : ce quadragénaire né au Maroc a notamment dirigé un centre de formation de 2 000 stagiaires et occupé de nombreuses responsabilités dans des organisations professionnelles représentant les petites et moyennes entreprises, jusqu'à être vice-président d'une union rayonnant sur treize pays arabes.Le Maroc, pays des origines. La France, pays de la liberté pour l'adolescent qui est arrivé à Dunkerque, en 1984, à 16 ans pour « préparer un BTS informatique de gestion au lycée Jean-Bart. Je voulais venir en France, cela représentait l'émancipation, la sortie du cocon familial. » Oussama Loukili ne connaissait personne ici. Les week-ends hors de l'internat se passaient à l'hôtel ou « dans les foyers Sonacotra. J'y ai connu le vrai visage de l'immigration ».

Militant dans un mouvement des droits civiques, il aime la France mais retourne vivre au Maroc : « Mon but était de travailler sur le lien entre le Maroc et la France, alors, peu importe le point de chute. » Malgré la perspective d'une belle carrière dans les hautes sphères marocaines, des raisons familiales le ramènent vers une France et un Dunkerquois avec lequel il a tissé des liens, notamment via le milieu associatif : « J'avais été membre fondateur de l'AJS », où il intervient toujours.


« Peut-être suis-je plus utile ici qu'ailleurs pour le Maroc et pour la France », envisage celui qui s'investit aussi dans l'économie sociale au niveau européen. Utile, Oussama Loukili juge que ceux qui sont issus de l'immigration le sont tout particulièrement dans les projets de coopération internationale. Pas par communautarisme, mais par pragmatisme : « Ils connaissent mieux leur pays que les grosses ONG et sont plus vites opérationnels. Quelqu'un qui connaît le sujet - ce peut aussi être un Français qui a vécu vingt ans dans un pays - est plus efficace qu'une mission de prospection. Pourquoi payer 80 000 E un technicien alors qu'une association n'aura besoin que de 10 000 E pour réaliser la même chose, plus vite ? La coopération internationale, c'est aller voir dans un douar comment aider les femmes et signer la convention sur le dos d'un âne », s'amuse-t-il. Lui-même s'appuie sur son réseau marocain, notamment en accompagnant, au sein du CEFIR, un programme financé par le Maroc pour aider des projets des Marocains de France.

Oussama Loukili revendique « la culture du résultat, du suivi, de la formation ». Chef d'entreprise ou développeur de la coopération internationale, même combat.

REPÈRES.

Le COSIM, qu'est-ce que c'est ?

Le collectif fédère, dans six régions dont le Nord - Pas-de-Calais, des associations engagées dans la coopération, la solidarité ou les relations internationales et ayant dans leur conseil d'administration des personnes issue de l'immigration. Dans la région, elles sont une trentaine. À Dunkerque, les plus importantes sont le Cefir (Centre d'éducation et de formation interculturel Rencontre), un des fondateurs du COSIM, l'AJS ou encore l'association Accompagnement.

• À quoi sert-il ?

Beaucoup d'associations qui oeuvrent dans le domaine du développement international sont de petites associations. Elles « reposent souvent sur une personne ou une famille qui regroupent des fonds propres pour apporter directement de l'aide dans leur pays d'origine », explique Oussama Loukili. Le but du COSIM est « de les structurer, de les former, de leur permettre de trouver de nouveaux financements et de rendre compte, pour pérenniser leurs actions. »

• Quelles actions mène-t-il ?

Il accompagne, après validation de leur proposition, des associations qui répondent à un appel à projets lancé et financé par l'État. Le prochain va être lancé courant novembre. Il organise aussi des « caravanes du codéveloppement » pour suivre sur le terrain les projets.

• Quels types de projets ?

Ils doivent concerner la coopération au sens large, dans des zones où l'État n'a pas de programme spécifique. Quelques exemples : l'accompagnement de femmes marocaines de la région d'El Jadida par l'AJS, la construction d'un barrage au Burkina Faso, des travaux d'adduction d'eau et d'assainissement en Guinée, du soutien à des écoliers tchadiens, l'accès aux nouvelles technologies pour tous au Bénin...