Mais pourquoi madame Agnès Firmin-Le Bodo, députée du Havre veut la peau de Dunkerque ?
Elle fut adjointe au Maire du Havre (LR), quand monsieur Edouard Philippe (LR), Premier ministre (LREM), en était le premier magistrat. Elle fut vice-présidente du Conseil départemental de la Seine-Maritime. Mais elle est surtout députée (LR- les Constructifs) du Havre, élue dans la 7ème circonscription de la Seine-Maritime qui est précisément celle de monsieur...Edouard Philippe (LR), avant qu'il n'entre à Matignon comme Premier ministre (LREM). Il n'est pas inutile de préciser qu'en juin dernier, la République en Marche n'a pas présenté de candidat contre elle. On peut donc présumer qu'elle possède la double imprimature de l'Elysée et de Matignon.
Madame Firmin-Le Bodo n'est donc pas n'importe quel député. Il est nécessaire de s'intéresser à ses propos, surtout quand ils concernent Dunkerque et l'avenir de notre port. Ce qu'elle fait dans une longue lettre adressée au ministre de la Cohésion des Territoires, Monsieur Jacques Mézard. Mais le journal régional, Paris-Normandie, en date du 09 octobre dernier, s'en fait largement l'écho (http://www.paris-normandie.fr/region/avenir-du-port-du-havre--agnes-firmin-interpelle-jacques-mezard-EJ11099049) et nous livre des informations infiniment précieuses. Au moment même où débute sur le littoral dunkerquois le grand débat public sur l'extension du port de Dunkerque, une telle lettre parvienne au Gouvernement peut-on n'y voir que le fruit du hasard?
Car il faut garder son sang froid à la lecture de cette lettre. Sans langue de bois (ce qui à le mérite de la clarté), elle déclare "les travaux envisagés pour le port de Dunkerque sont regardés avec la plus grande attention et la plus grande vigilance par les acteurs portuaires: pourquoi investir dans ce port aux dépens d'investissements pourtant nécessaire, sur notre port Normand?" Et pour que les choses soient totalement claires, elle rajoute "Il n'est plus l'heure d'éparpiller les efforts et les sommes investies. Notre pays doit concentrer ses forces sur ces deux ports du Havre (pour le Nord) et de Marseille."
Autrement dit, il faut liquider Dunkerque. Je ne lui reproche pas de défendre le Havre, elle est notamment élue pour ça, mais réclamer la tête de la cité de Jean Bart, là une limite est franchie et le Premier ministre doit immédiatement faire savoir s'il partage de tels propos. Et si ce n'est pas le cas, il doit apporter un démenti sans aucune ambigüité et désavouer madame Firmin-Le Bodo. Dunkerque ne peut accepter de se voir de la sorte cloué au pilori et voir son avenir remis en cause. L'incontestable proximité entre madame la députée et monsieur le Premier ministre fait immédiatement naître quelques questions. Parle t-elle en son nom? A t-elle la "bénédiction" de Matignon? Quel impact sur le débat public...?
Je crains qu'en réalité, les déclarations de madame Firmin-Le Bodo ne soient le reflet d'une tentation qu'exprime depuis quelque temps déjà, la commission européenne, à savoir un port par façade maritime. Le Premier ministre du Havre ne peut le dire aussi ouvertement, en revanche madame Firmin-Le Bodo, députée de la 7ème circonscription de la Seine-maritime peut et le fait.
Alors que nous aurions tout intérêt à nous serrer les coudes face à la concurrence mondiale, alors que Dunkerque-Calais-Boulogne sur Mer représentent la première plate-forme portuaire de France, nous sommes pointés du doigt. Marseille et le Havre auraient droits à des centaines de millions d'euros d'investissement tandis que Dunkerque devrait se contenter de regarder passer les trains, forcément vides.
C'est aussi l'illustration de la perte du sens de l'intérêt général et des tensions toujours plus grandes au sein du pays et entre nos différentes régions. Une telle perspective et inquiétante aussi bien du point de vue du développement industriel et portuaire mais également pour l'équilibre au sein même de la nation.
Il est éclairant d'entendre une élue, réclamer purement et simplement que l'État abandonne un territoire au profit du "sien". Nous sommes ici confrontés à ces égoïsmes locaux, fruits de l'austérité, de la concurrence effrénée entre les territoires et de la crise. Nous ne pouvons rester sans réagir devant ce qui s'apparente à une offensive contre notre territoire, notre développement donc notre avenir. Le Premier ministre doit s'engager clairement sur le projet stratégique "Cap 2020". Nous attendons sa réponse.
Claude NICOLET