Claude NICOLET

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Nous vivons une époque de grandes violences et de grandes confusions. Les ignobles attentats de Conflans et de Nice se conjuguent avec une pandémie qui révèle le délabrement de notre système de santé. La logorrhée de paroles qui se déverse sur les chaînes d’information en continu et sur les réseaux sociaux tend à brouiller les repères intellectuels et politiques. C’est pourquoi, avec cette tribune, nous souhaitons réaffirmer les principes fondamentaux du contrat social et politique républicain.

Combattre le terrorisme islamiste et les complaisances idéologiques visant à le relativiser

L’odieuse décapitation de Samuel Paty porte un message : empêcher le travail émancipateur de l'école laïque et saper les principes de la République. Ces principes définissent le cadre du "creuset français" rendu possible par la Révolution de 1789. Celle-ci a refondé la nation dans un sens universaliste, celui des droits humains conquis à rebours des particularismes coutumiers et religieux. Le fascisme islamiste a juré la mort de notre République laïque. Tout ce qui ressemble à des excuses propres à relativiser de tels assassinats doit être condamné avec la plus grande fermeté. Par ailleurs, si la répression et la prévention s'imposent contre le terrorisme islamiste enfin désigné, on ne peut s'en tenir à des déclarations martiales tonitruantes. Il faut combattre en parallèle tout amalgame entre islamistes et musulmans et toute dérive idéologique identitaire comme celle qui consiste à s'émouvoir de la présence d'un rayon hallal dans les épiceries.

"Seules les notions de musulmanophobie et d’arabophobie sont exemptes d'ambiguïté"

Quand l'extrême droite usurpe la laïcité alors qu'elle pratique un différencialisme identitaire, il convient de dénoncer pied à pied son idéologie d'exclusion. Quand l'idéologie décoloniale calomnie la laïcité en la qualifiant de racisme d'État il faut souligner l'absurdité d'une telle accusation. Toute complaisance électoraliste, de part et d'autre, doit être combattue. Il faut donc restaurer le principe de laïcité : oui à la liberté de conscience et à la liberté d'expression sans autre limite que la pénalisation des injures aux personnes. Oui, chacun a le droit de faire l'éloge d’une religion ou de la rejeter sans risquer sa vie. Il est loisible à chacun de critiquer l'islam, le christianisme, le judaïsme, le bouddhisme ou l'humanisme athée, et de le faire publiquement pourvu qu'il respecte les personnes comme telles.

À cet égard l'acceptation de la notion piège d’islamophobie a validé la confusion perverse entre le rejet de l'islam comme religion et celui des personnes de confession musulmane. Le respect n'est pas dû aux  religions, mais aux personnes et à leur liberté de croire ou de ne pas croire. Accepter de soutenir des mots d'ordre de groupes religieux comme le CCIF n'est pas seulement une erreur, c'est une faute. Seules les notions de musulmanophobie et d’arabophobie sont exemptes d'ambiguïté.

Reconstruire la République sociale est une urgence absolue

Contre le terrorisme islamiste, la seule répression ne suffit pas. Il existe aujourd'hui trop de territoires perdus de la République, abandonnés du fait d'un néo-libéralisme obsédé par la "concurrence libre et non faussée". Trois décennies de destruction des services publics et de mise en cause des solidarités sociales par le reflux de l'impôt redistributeur ont été dévastateurs pour les plus démunis. C'est la promesse sociale de la République qui est démentie ainsi, au détriment d'une politique humaine d'intégration. L'affirmation de l'idéal républicain doit s'accompagner de perspectives de vie meilleure pour la jeunesse reléguée des banlieues, notamment par la mise en oeuvre sérieuse d'une protection sociale à  la hauteur des besoins et d'une politique de plein-emploi. Ne laissons pas le champ libre aux recruteurs d'assassins qui exploitent la déshérence sociale. Ne tolérons pas celui qui se comporte de manière inhumaine. Qui assassine en pleine conscience est responsable de ses actes, il doit être poursuivi, jugé et condamné selon les lois de la République.

Pour incarner l'idéal républicain de laïcité il faut se donner les moyens de l'action, faire que l'école redevienne un havre de paix où les élèves laissent à la porte le poids de leur déterminisme social et des habitudes familiales. Il faut redonner à l'école publique une force qu'elle a perdue, faute de moyens et de reconnaissance sociale. Il faut aussi restituer aux services publics qui assurent la sécurité une efficacité que leur ont enlevée des années de coupes budgétaires et de déstructuration de l’État au nom de principes comptables ineptes.

"Nous voulons affirmer aujourd'hui qu'il existe une force populaire qui veut une République laïque et sociale"

Les forces politiques qui, en ce domaine, ont failli sont nombreuses : la droite, se gargarisant de son républicanisme, a méthodiquement cassé les services publics, cassé la protection sociale, laissé s'enkyster tous les problèmes sociaux. La social-démocratie et ses subalternes d’hier, ralliés au néolibéralisme, ont amplifié les dégâts car elle aussi a détruit les services sociaux. Ces deux courants politiques ont alterné au pouvoir ces dernières décennies dans une terrible course au pire. Que dire des néolibéraux au gouvernement ? Ils vendent le pays à la découpe, privatisent, continuent à appauvrir l'hôpital en pleine crise sanitaire. Et maintenant ils font mine de s'étonner du chaos qu'ils ont contribué à semer. Mais la droite extrême ne promet que d'aller encore plus loin dans la tartuferie, amplifiant les coups de menton, les appels à la répression et à la violence, porteurs de divisions. Elle ne donne aucune perspective de redressement économique ni de protection sociale.

Nous voulons affirmer aujourd'hui qu'il existe une force populaire qui veut une République laïque et sociale. Notre pays ne peut pas s'enfermer dans les fausses solutions que lui proposent une droite extrême et les néolibéraux charognards qui ne veulent rien comprendre aux principes et aux valeurs de la République.

Nous avons l'ambition de rendre vivante la République sociale et laïque.

Signataires :

Flavien Chailleux, fonctionnaire au ministère du travail
François Cocq, essayiste
Romain Dureau, agroéconomiste, GRS
Hélène Franco, magistrate et syndicaliste
Christophe Gache, Mouvement des citoyens (MDC)
Jean Gatel, ancien secrétaire d’État à l’économie sociale et solidaire
Christian Gaudray, président de l’Union des Familles Laïques (UFAL)
Riva Gherchanoc, présidente de Combat laïque Combat social (CLCS)
Bastien Gouly, président des Rencontres républicaines
George Kuzmanovic, président de République souveraine
Manon Le Bretton, membre des Constituants
Sacha Mokritzky, rédacteur en chef de la revue Reconstruire
Claude Nicolet, Secrétaire général adjoint de République moderne, Président de La Nation citoyenne
Henri Peña-Ruiz, philosophe
Nicolas Pomies, membre du bureau national de l’UFAL
Bernard Teper, co-animateur du Réseau éducation populaire
Frédéric Viale, essayiste