Claude NICOLET

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La question des "migrants" comme on dit pudiquement est bien étrange et difficile. Ces hommes, ces femmes, ces enfants qui fuient l'Irak, l'Afghanistan, l'Afrique, le Proche ou l'Extrème Orient... Pour trouver un monde un peu moins dur que celui qu'ils laissent derrière eux. On en parle avec compassion, parfois avec passion, mais le plus souvent c'est l'indifférence qui l'emporte. Puis aussi il faut le dire parce que c'est vrai, l'agacement. Ils sont le symbole vivant du dérèglement du monde.

Le 19 mai dernier, un Vietnamien est mort sur l'A16, l'autoroute qui longe la Côte d'Opale, un second a été très grièvement blessé. Ils ont tenté à la sortie d'une aire de repos, à Téteghem près de Dunkerque, de sauter à bord d'un camion alors que celui-ci était en marche. Pour gagner l'Angleterre? La Suède? Tentative désespérée.

On se souvient du ministre de l'Intérieur Sarkozy, fermant Sangatte et annonçant qu'il allait régler le problème. Où en est-on aujourd'hui? Des hommes et des femmes livrés aux mafias et aux trafiquants en tous genres. Des groupes en errance permanente. Maintenant c'est "la jungle" qu' Eric Besson veut fermer...Et après ce sera quoi? On mettra le Nord Pas de Calais sous couvre-feu?

Il y a quelques jours, Christian Hutin, député du Nord s'adressait à Eric Besson à l'Assemblée Nationale, lui signalant ce qui se passait le long de l'A16. Il disait au ministre que dans sa ville de Saint Pol sur Mer, une jeune maman venait de perdre son nourrisson...Que "Welcome" ce n'était pas seulement du cinéma. Il a parlé de générosité...presque un gros mot.

Je sais parfaitement que ce problème est difficile, qu'il relève pour beaucoup voire essentiellement de politique étrangère, que si l'Irak n'avait pas été mis à sac et dévasté par la guerre qui lui a été imposé, nous n'en serions pas là. Je connais la situation de l'Afghanistan et le désir de millions de jeunes africains de rejoindre l'Europe ou l'Amérique du Nord. Je sais que nous ne sommes qu'au début de pressions migratoires colossales.

Les seules solutions résident dans une diminution des crispations et des conflits internationaux et dans un développement partagé au niveau mondial, un co-développement. Car de gigantesques mouvements de populations ont commencé, conséquences directes des déséquilibres qui impactent la planète, qu'ils soient de nature politique, économique, stratégique, militaire, climatique...ou tout ensemble! Ces déplacements de populations se font d'abord au sein même des continents ou des zones concernées, mais s'effectuent de plus en plus d'un continent vers un autre, en particulier vers le "monde occidental". Si la répression du crime et des trafics est une nécessité et une obligation, il est clair à mes yeux qu'on ne peut s'en satisfaire comme horizon politique.Tout comme pour moi il ne peut être question d'offrir des papiers à tous ceux qui en veulent. Je pense d'ailleurs que faire l'amalgame entre "sans papiers" et "migrants" est une erreur qui ne rend service ni aux uns ni aux autres.

Mais il me semble honnête de dire que nous ne sommes qu'au début d'un phénomène qui va devenir massif et risque de générer beaucoup de souffrance. Nous devons donc nous organiser avec l'ensemble des échelons ayant capacité à intervenir et au premier rang duquel l'Etat. Ou alors on laisse la situation "s'autogérer" avec toutes les dérives qui l'accompagneront. Les associations qui bien souvent font un travail remarquable, n'ont pas vocation à faire face seules, les collectivités locales souvent prennent leurs responsabilités en dehors parfois de la légalité et c'est à leur honneur.