Le Congrès des Maires a démontré la profondeur de la colère des élus locaux face aux réformes des collectivités locales proposé par le Gouvernement et Nicolas Sarkozy. La suppression de la taxe professionnelle est un sujet qui met en danger la démocratie locale en privant les collectivités des ressources indispensables à leur activité. L’actuelle taxe professionnelle devrait être remplacée à partir du 1er janvier 2010 par la contribution économique territoriale (CET).
Cette nouvelle imposition sera la somme de la cotisation locale d’activité (CLA) reposant sur les valeurs locatives foncières (ancienne part foncière de la taxe professionnelle) et d’une cotisation complémentaire assise sur la valeur ajoutée (CC). Ces deux composantes de la CET seront plafonnées à 3 % de la valeur ajoutée.
Tous les groupes politiques partagent la nécessité de modifier l’imposition économique locale des entreprises. Moins taxer les investissements, les industries, les entreprises soumises à une forte concurrence internationale répond à un objectif de bon sens.
Deux aspects de la réforme sont particulièrement contestables pour ce qui nous concerne.
1. L’autonomie fiscale est menacée. Certes, le Gouvernement a prévu que 20 % de la cotisation complémentaire sur la valeur ajoutée soit affectée au bloc communal, alors que le texte initial attribuait cette recette aux seuls départements et régions. Sur ce point particulier, le Gouvernement a eu la sagesse d’entendre ce que le groupe socialiste radical, citoyen et divers gauche a défendu avec certains des députés de la majorité. Pour autant, l’autonomie fiscale reste réduite par la réforme. L’entrée du barème retenue par la majorité UMP limite grandement la portée de cette territorialisation de la CC. En effet, seules les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 500000 euros seront imposées et en réalité grâce aux abattements prévus les entreprises pourront échapper à la CC jusqu’à 2 millions d’euros de chiffre d’affaires ! Cela réduit ainsi considérablement l’assiette. Par ailleurs, l’imposition aux taux de 1,5 % ne concerne que les entreprises réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros.
Ce sont essentiellement les petites entreprises ou entreprises moyennes qui supporteront les conséquences des hausses sur certains territoires où les grandes entreprises présentes ont des bases d’ores et déjà plafonnées. Le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche proposait, au contraire, la suppression du ticket modérateur et le maintien du plafond actuel à 3,5 %. Couplé à la refonte du barème de cotisation complémentaire que nous défendions, il aurait pu permettre d’obtenir 2 milliards d’euros de plus pour les collectivités locales. Cette proposition a été rejetée par la majorité UMP à la demande du Gouvernement.
Dès lors, favoriser l’implantation d’entreprises représentera toujours un travail considérable mais n’engendrera plus en retour la juste compensation par l’élargissement des bases fiscales. Au final, c’est vers les ménages que les collectivités devront se retourner pour maintenir un niveau constant de services à leurs populations.
2. L’Etat ne s’est engagé à compenser la perte de recettes de taxe professionnelle que pour l’année 2010, mais rien n’est garantie au-delà. Cette compensation se fera mais avec l’application aux bases théoriques des taux votés en 2008 (le minimum aurait été de compenser le produit de la TP perçu en 2009) : cela représentera un manque à gagner de 800 M€. Les années suivantes, les dotations seront figées et ne progresseront pas, rendant ainsi les collectivités toujours plus dépendantes de l’Etat. Après 2010, le risque est grand à la lumière de l’expérience que l’Etat se serve de ces dotations comme variable d’ajustement budgétaire.
Ce passage en force de l’Exécutif incarne une forme de mépris à l’égard de nombreux élus locaux qui ont travaillé dans un esprit républicain afin de préserver l’intérêt général et l’avenir des collectivités territoriales. Cette réforme est dangereuse pour les ménages, soit parce que les collectivités se tourneront vers eux pour maintenir leurs recettes, soit parce qu’elles dégraderont le niveau des prestations et des services rendus à leurs populations. Faut-il rappeler que plus de 80% des 500 000 élus locaux sont totalement bénévoles. Ils sont dévoués, ne cessent de faire d'immenses sacrifices et maintenant on retire les moyens de mener à bien les indispensables projets de développement et d'aménagement de nos territoires
Nous savons tous que le territoire de la Communauté Urbaine de Dunkerque (comme bien d'autres) risque d’être fortement impacté par cette réforme. Le dernier débat d’orientation budgétaire en conseil de communauté, l’a clairement démontré. Les perspectives de transférer certaines prestations comme les transports ou l’enlèvement des ordures ménagères du budget principal vers l’impôt des ménages ou des usagers s’inscrit dans cette orientation qui sera dès lors inévitable. Déjà le Conseil Général du Nord se voit dans l’obligation de renoncer à la prise en charge du transport d’élèves dont le coût incombe désormais, pour ce qui la concerne, à la CUD. Or nos communes, n’auraient probablement pu bénéficier des équipements qui sont les leurs sans les financements croisés et l’apport en particulier de la CUD. Une telle mesure, porte donc une atteinte grave à la capacité de nos communes et de notre intercommunalité, d’être un acteur essentiel de l’investissement, du développement et de l’action stratégique de notre territoire.
L’un des objectifs du Gouvernement est clair : derrière la lutte contre les déficits publics, il s’agit de réduire sans cesse l’espace public pour l’ouvrir aux intérêts privés. La question n’est pas tant celle d’une fausse recentralisation que de poursuivre le démantèlement de l’action publique dans notre pays et de soumettre les collectivités locales au même plan, de rigueur que celui auquel l'Etat est soumis. Il ne faut pas perdre de vue qu’une « réforme » en profondeur de la fonction publique territoriale est en cour de réflexion dont l’un des objectifs inavoués est de mettre fin au statut de fonctionnaire pour passer à celui de « métier ». L'obligation de se soumettre aux critères européens nous enferme dans des contraintes terribles qui nous retirent toutes marges de manoeuvre. Fondamentalement c’est notre modèle républicain lui-même qui est violemment attaqué.