A défaut, il ne restera à terme ou à très long terme que la perspective de l’Etat binational. Devant l’absence de perspectives politiques, l’idée fait son chemin. Ultra minoritaire pour le moment, sa crédibilité se renforce. En effet que faire et quel avenir pour les Palestiniens si le rêve de la création d’un Etat souverain venait à disparaître définitivement ? Une gigantesque « réserve » dans laquelle vivraient des millions d’hommes, de femmes et d’enfants, sans droits particuliers, sans citoyenneté, placée sous contrôle israélien ad vitam est-elle envisageable ? Bien sûr que non. La seule perspective sérieuse serait alors de les intégrer pleinement à Israël, car ils n'iront pas ailleurs.
Il s’agirait d’une décision lourde de conséquences. Il y a déjà 20% d’arabes israéliens, l’Etat binational sous entend donc la disparition à terme d’Israël comme Etat juif s’il veut, dans ces conditions rester démocratique et être l’Etat de tous ses citoyens.
En réalité, la tentative de lente digestion de la Palestine par Israël est aujourd’hui de plus en plus difficile. Les bouleversements politiques gigantesques qui sont à l’œuvre dans l’ensemble du monde arabe transforment totalement les données de la question israélo-palestinienne qui en réalité, était figée depuis l’assassinat d’Itzhak Rabin en 1995. Dans un monde arabe qui marche vers la liberté et la démocratie, la situation réservée aux Palestriniens apparaîtra de plus en plus pour ce qu’elle est : intolérable.
L’un des fondements politiques et stratégiques d’Israël : « la seule démocratie du Proche et du Moyen Orient » ne sera plus tenable. Dès lors, l’occupation ne pourra plus être revêtue sous les oripeaux de la sécurité mais n’offrira que le visage de la répression. Une Egypte révolutionnaire et démocratique pourra t-elle maintenir dans le temps une alliance stratégique avec son voisin hébreux et avec les Etas Unis d’Amérique sans reconsidérer sa position vis-à-vis de la question palestinienne ? Ce raisonnement s’étendra aussi aux autres Etats arabes, en particulier au regard de ce qui se passe en Syrie.
Et puis qu’adviendrait-il si une autre opération « plomb durci » se renouvelait ? Après les deux résolutions de l’ONU concernant la Lybie et la Côte d’Ivoire, donnant mandat à la « communauté internationale » de protéger les civils, il serait très difficile de ne pas intervenir. Contre Israël ? Chacun sait que non. Contre les milices du Hamas, contre d’autres groupes radicaux qui se structurent ? Chacun voit que cette situation est intenable.
Cette évolution du rapport de force est paradoxale car il ne provient pas d’une nouvelle situation militaire issue d’une nouvelle guerre israélo-arabe. Il est la pleine expression du « soft power » en quelque sorte. Elle est le résultat de l’expression de la puissance des peuples qui s’expriment et cherchent leur voie vers la liberté et l’émancipation. Ce mouvement de fond peut tout balayer et renverser les situations politiques que l'on pensait les plus assurées. Dans ce cadre, le maintien sous domination étrangère du peuple palestinien sera intenable pour Israël. La recherche d'une "réconciliation" au sein du mouvement national palestinien devient dès lors une obligation sous peine de rejet par les Palestiniens eux-même des actuelles formations politiques déjà mal en point, Hamas comme Fatah.
Le président Obama a d’ores et déjà annoncé qu’il faisait de la création d’un Etat palestinien pour 2011, la priorité de sa fin de mandat dans le cadre de sa politique extérieure. Il est certain qu’un tel succès viendrait couronner son prix Nobel de la paix. Il serait surtout en bonne position pour se présenter à un second mandat. Mais l'appui des Etats Unis d'Amérique est indispensable.
La France a aussi un rôle important à jouer. Tout d’abord en tant que membre permanent du Conseil de sécurité, une telle décision politique aurait une portée immense et rendrait tout retour en arrière impossible. Ne doutons pas qu’elle aurait la capacité d’entraîner l’Europe avec elle et en particulier l’Allemagne que nous devons aider à mieux prendre en compte les données stratégiques du bassin méditerranéen. La France par la même occasion renforcerait considérablement ses positions dans le monde arabe. Mais aussi latino américain dont il ne faut pas oublier que certains Etats comme le Brésil ont déjà reconnu l’Etat palestinien. Le projet intéressant mais sans contenu d’Union pour la Méditerranée aurait dès lors de véritables perspectives de développement.
Le bout du chemin consiste à établir des relations plus apaisées entre les deux rives de cette mer commune, des partenariats renouvelés, c’est la vrai sécurité pour Israël et la possibilité d’organiser un vaste ensemble de coopérations partagées entre l’Europe, l’Eurasie et l’Afrique. Il nous faut voir grand car une telle décision serait historique. Ce serait aussi pour la France la perspective de se redéployer au niveau mondial au service d’un dessein conforme à son génie et à l’influence politique qui doit être la sienne. Au service des peuples, de la liberté, de la démocratie, du développement et de la fraternité. Il faut impérativement saisir cette occasion et la faire partager à l’ensemble de nos partenaires et alliés. Il y a là une perspective à la hauteur de notre pays et qui participerait à la création d'un monde un peu plus sûr.
Claude NICOLET
Adjoint au Maire de Dunkerque
Conseiller Régional Nord Pas de Calais
Président du Réseau de Coopération Décentralisée pour la Palestine-Cités Unies France. (RCDP)
Membre fondateur du Réseau des Collectivités d'Europe pour la Paix au Proche-Orient (COEPPO)