Claude NICOLET

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FigarovoxMa tribune parue ce jour (29 mai 2014) sur le site du Figaro.fr

Comme je suis heureux de ne pas avoir participé  à cette mascarade des élections européennes. Comme nous avons bien fait, avec le MRC de ne pas apporter notre caution à ce théâtre d’ombre. Comme nous avons eu raison, comme nous l’avons depuis si longtemps, en disant que la construction européenne, non pas dans sa volonté de faire coopérer les nations mais dans les mécaniques qu’elle met en œuvre, sont maintenant un danger pour la démocratie et la liberté des peuples. Cette liberté qui fait peur et qu’il est de bon ton d’appeler « repli national ».

Or aujourd’hui s’il est une question de fond, c’est justement celle de l’articulation de la question sociale et de la question nationale. Le découplage des deux est suicidaire et ne vise en fait qu’à nous soumettre à l’ordre social dominant et au libéralisme néo-conservateur.

La gauche française en particulier ne survivra qu’à la seule condition de se réapproprier la Nation. Robespierre l’avait parfaitement compris ainsi que Jaurès, Clémenceau ou Mendès-France. Là est le nœud gordien. Parce que la Nation est indispensable, sa mise en congés est un immense danger. Dans leur vote du 25 mai, les Français ont dit leur colère, leur exaspération.

Si le propos peut paraître dur il n’en demeure pas moins une réalité.  Alors que pendant cette vraie-fausse « campagne » on nous a fait miroiter que le peuple européen (qui n’existe pas selon le tribunal constitutionnel de Karlsruhe), pouvait quasiment élire le président de la commission, voilà que Christine Lagarde serait désormais la mieux placée pour exercer la fonction.

Qu’en pensent les partisans de Martin Schulz, Jean-Claude Junker pour ne citer que les principaux candidats qui seraient désormais hors-jeux pour des raisons d’équilibres politiques…Comme on s’oriente vers une grande coalition Droite-PS-Sociaux Démocrates (comme en Allemagne), ni l’un ni l’autre ne peuvent faire l’affaire.

Christine Lagarde, candidate de compromis ? La directrice du FMI à la tête de l’exécutif européen semble selon les « experts » en mesure de faire le consensus.

Mais au-delà des compétences de Madame Lagarde pour remplir cette fonction, est-il autorisé de poser quelques questions  et de faire quelques constats ?

Qu’en pensent toutes celles et ceux auxquels on a fait croire que leurs votes auraient une quelconque importance dans cette désignation ? Quelles conclusions en tirent-ils sur la soi-disant « démocratie européenne » et son fonctionnement ? N’ont-ils pas le sentiment qu’on leur refait le coup du 29 mai 2005 (il y a 9 ans aujourd’hui) quand le vote souverain du peuple français a été nié ? N’est-ce pas une nouvelle démonstration qu’il y a bien un problème de fond dans la construction européenne qui refuse d’articuler Démocratie-Souveraineté-Représentativité ?

Voilà plus de vingt ans que nous essayons de faire vivre ce débat en France, voilà plus de vingt ans que nous disons que ces questions sont essentielles, qu’elles sont même existentielles. La République française ne peut tout simplement pas se satisfaire d’un tel système car il est aux antipodes de ce qui nous constitue en tant que Peuple. Nous ne sommes Français que parce que nous sommes des Citoyens en réalité Jacobins parce que très attachés à l’Egalité qui reste le vrai ferment révolutionnaire de la République.

Or, de telles pratiques détruisent littéralement ce lien et provoquent des crises multiples qui touchent à notre identité même. Celles et ceux qui veulent porter ces questions dans le débat public sont systématiquement brocardés, insultés, méprisés. Le FN en a fait ses choux gras puisqu’on lui a laissé le champ libre. Quand beaucoup pensaient, disaient que « la Nation s’était archaïque », qu’il « fallait être mobile », qu’il « fallait être moderne », que « la Marseillaise devait être changée ».

Pour ne prendre que deux exemples, relisons le formidable « Discours pour la France » de Philippe Séguin qu’il a prononcé à l’Assemblée nationale dans la nuit du 5 au 6 mai 1992 dans le cadre du débat consacré au projet de loi de révision constitutionnelle préalable à la ratification du traité de Maastricht. Relisons le livre de Jean-Pierre Chevènement « Le temps des Citoyens » (1993) ou replongeons-nous dans sa campagne présidentielle de 2002 et de son discours de Vincennes du 09 septembre 2001 : tout y est ! Tout est annoncé ! Ce que nous vivons depuis 25 ans n’est qu’une gigantesque contre-révolution à la fois politique, philosophique économique, sociale et culturelle.

Plus qu’ailleurs c’est en France que de tels fonctionnements auront les conséquences les plus graves. Parce que le peuple français est d’abord un peuple politique. La question de sa souveraineté est donc essentielle dans la définition même de son identité. Car le bout du chemin nous le connaissons, c’est l’éclatement communautaire et tous les risques qui l’accompagnent.

L’arrivée de Madame Lagarde à la tête de la Commission est donc la caricature même de ce que nous dénonçons. Des pratiques obscures, quasiment secrètes d’où les peuples sont absents. Pire même : ils sont trompés. Alors comment s’étonner de l’effondrement, du rejet des partis qui ont participé à la mise en œuvre de ce système ? Oui, décidemment, il y a de quoi être en colère.

Claude NICOLET

Premier secrétaire du MRC Nord

Secrétaire national du MRC en charge de la Citoyenneté et de la Laïcité

Conseiller régional Nord-Pas-de-Calais.