Claude NICOLET

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« Les peuples ne passent pas... » - Charles de Gaulle le 26 septembre 1959

Notre pays, la France et avec elle la République, auraient-elles à nouveau rendez-vous avec leur destin et peut-être avec celui du monde ?

Faut-il ici reprendre la formule du général de Gaulle lors de son discours prononcé à Dunkerque le 26 septembre 1959 : “Ce qu’il faut surtout pour la paix, c’est la compréhension des peuples. Les régimes, nous savons ce que c’est : des choses qui passent. Mais les peuples ne passent pas.”

Le peuple Français aurait-il à nouveau rendez-vous avec lui-même ?

Le martyr de monsieur Samuel Paty, professeur d’histoire géographie, humble fonctionnaire de la République, de ces hussards noirs n’ayant plus guère de monture, au sabre émoussé et n’ayant plus que ses convictions et sa conscience professionnelle à offrir en sacrifice.

Mais également le martyr des victimes de Nice, massacrées parce que Chrétiennes au cœur d’une basilique. Lieu sacré par définition. Oui tous les quatre des martyrs, de la République de leur foi chrétienne. Ils symbolisent l’histoire de France, ils symbolisent la France et sa civilisation. Ils sont désormais 270 massacrés pour ce qu’ils étaient. Des hommes, des femmes, des enfants.

Leur mort sera-t-elle une mort de plus ou servira t-elle de révélateur ? Une conclusion et un départ tout à la fois. Terrible conclusion de décennies d’abandon, de reculades, de renoncement dont il faut bien analyser les causes. Parce qu’en réalité, si l’abandon de la question sociale fut également un abandon de la question nationale, Il est impossible de se satisfaire de cette simple grille d’analyse. Certes deux phénomènes furent concomitants et pour tout dire consubstantiels l’un à l’autre, mais résumer ces tragédies uniquement à une lecture « sociale » est une erreur funeste.

Les derniers assassins, sont tous de jeunes gens de 18 à 25 ans, venant du Pakistan, de Tchétchénie, de Tunisie. Ils ne viennent pas des quartiers abandonnés par la puissance publique. Ils viennent d’ailleurs et ne sont en rien victimes du « racisme d’État », des « discriminations systémiques », ou de la « haine anti-musulmane » si chère à toute une partie de "l'intelligentsia" française.

C’est donc bien à la France en tant que telle qu’ils s’attaquent, indépendamment de toutes questions sociales. Ce qui n’interdit pas que des relais désormais existent au sein de notre propre société. L’une des questions que nous devons à leurs mémoires est celle-là :  Ne devons-nous pas renouer d’urgence avec la France, la République, alors que depuis près de 40 ans nous en avions pris congés, décidant que désormais l’avenir était dans la mondialisation et son relais local l’Union européenne ?

Mais « les peuples ne passent pas » et finalement le peuple français refuse de passer. En 2011, dans un ouvrage ayant fait beaucoup de bruit il y a quelques temps, Jean-Pierre Chevènement posait la question tout de go « la France est-elle finie ? » et de conclure par la négative tout en mesurant l’ampleur de la tâche à accomplir. Question brutale mais pour celles et ceux qui s’intéressent à la vie des Français, il suffit de les écouter pour mesurer l’ampleur de leur désarroi, le sentiment d’abandon, l’impression terrible que leur pays leur échappe, qu’il leur file entre les doigts. Qu’eux, les citoyens de la Grande nation n’ont plus prise sur rien, que tout se joue ailleurs alors qu’ils furent de ceux qui, dans l’histoire, firent basculer le sort du monde. Parce que les Français ont dans leurs bagages, portés en bandoulière, le rêve fou de n’être Français qu’à la condition de parler au monde entier.

Pari d’une audace folle que tout condamnait. Là est à mes yeux le génie de la France. Réussir à faire de ce bric-à-brac de populations venant du Nord et du Sud, de l’Est et de l’Ouest, de ce mélange incroyable d'hommes et de femmes venant de partout et de nulle part, réussir à en faire un peuple!  Pour y parvenir il a fallu des siècles d'intelligence, de subtilité, de sacrifice, de massacres, de cruauté, de guerre civile, de légèreté, de sensibilité pour parvenir à polir cette pierre pleine d’aspérité, d’angles et de tranchants...Accorder à chacun le droit de se moquer de l'autre en inventant cette forme si particulière d'humour: la caricature fut l’un des moyens de nous supporter, de nous accepter et de faire nation.

Il faut comprend que c'est indispensable à ce que nous sommes. Et que si les hommes d'ici bas ne peuvent se moquer des dieux de l'au-delà alors s'en est terminé de ce qui, en partie, nous relie ainsi que de cet imaginaire qui fait de nous un peuple politique. Seule la politique relie le peuple français dans ce qu’il est advenu. La Fête de la fédération est notre acte de naissance symbolique à la modernité. Réintroduire la religion dans cet ADN et nous voilà irrémédiablement condamner. Terrible régression « qui porte en elle la guerre comme la nuée porte l’orage » comme nous l’a appris le grand Jaurès qu’il est urgent de relire.

Pour y parvenir encore fallait-il extraire le politique du religieux, nous l'avons fait! La contrepartie c'est la liberté totale de culte et le respect des croyances de chacun dans le fond de son cœur et de sa conscience et d’admettre que l’espace public n’appartient qu’à César.

Long processus que l’invention de la laïcité sur lequel nous ne devons cesser de nous étonner, plein d’admiration. Imaginer, un seul instant toucher à ce merveilleux édifice, fruit de tant d’intelligence collective, de tant de sacrifice serait non, seulement un crime contre l’esprit mais également contre la République elle-même. Et bien des musulmans qui sont ici dans leur pays savent à quel pont cet acquis est précieux.

Magnifique pays que la France qui permet cela et d'avoir trouvé le chemin pour sortir de la barbarie afin de conquérir la liberté des individus. Voilà la France qu'aiment les citoyens français et qui restent, pour bien des peuples une source d'espérance. Voilà aussi ce que veulent abattre les fascistes islamistes. C'est cette conception de l'Humanité. C'est notre héritage, c'est également notre avenir. La France ne peut-être la France sans la grandeur disait le gébéral de Gaulle, elle ne peut l'être sans l'Humanité toute entière.

Celles et ceux qui imaginent un seul instant, qu’accepter des « accommodements raisonnables » serait rendre service à nos concitoyens de confession ou de culture musulmane, ne sont pas uniquement des apprentis sorciers se sont les soutiers de l’enfer dont les portes ne manqueront pas de s’ouvrir en plongeant les Français dans des abîmes de souffrance. Réinjecter la Religion dans le pacte commun aboutira immanquablement à la fin de la nation, voilà également un autre but de guerre de nos ennemis, transformer la nature même de ce que nous sommes.

Comprendre la France afin de continuer à la faire est aujourd’hui l’impérieuse nécessité de tous les Républicains sincères. Car c’est de cela dont il s’agit, de l’avenir de la République qui est la forme moderne de la France. Car on le voit bien, la ligne de fracture c’est aujourd’hui l’idée même qu’on se fait de la République et de la Nation.

Car la République est une exigence, y compris un principe spirituel qui ne peut se vivre et s’accomplir sans une forme de croyance et d’espérance dans le génie humain. Alors oui, pour que vive la France il faut des républicains et il faut transmettre cet amour du pays, de la patrie des hommes, afin qu’ils partagent ce sentiment d’appartenance sans lequel rien n’existe et rien n’est possible.

D’immenses questions politiques se posent à nouveau. Celles de la Nation, de la souveraineté, de la laïcité, celle des frontières, celle de l’immigration, celle du progrès sociales, celle des inégalités qui se creusent à la vitesse de l’éclair…autant de questions que beaucoup pensaient enterrées comme autant de vieux et mauvais souvenirs du XIXème et du XXème siècle, mais qui reviennent à la surface d’autant plus violemment que la mondialisation heureuse n’est pas au rendez-vous pour une immense partie de la population tandis que celles et ceux qui en profitent quittent l’esprit national voguant vers d’autres cieux. La France périphérique n’a plus aucun attrait depuis Bruxelles, Berlin, Francfort ou Washington… « Mais les peuples restent… »

Nous vivons ces jours-ci l’une de ces périodes et il convient à notre génération d’être à la hauteur de cette tâche historique qui consiste à reprendre en main notre destin et de renouer avec le cours de notre histoire et la Nation citoyenne quand d’autres veulent en faire un congloméra éthnico-religieux. Le bout de ce chemin c’est la guerre identitaire, les républicains ne peuvent et ne doivent s’y résoudre. Là est aujourd’hui notre devoir.

Claude NICOLET
Président de « La Nation citoyenne »
Secrétaire général adjoint de « République moderne »
Conseiller municipal de Dunkerque