Il est courant qu'en période de crise, la tentation de la nostalgie soit particulièrement forte. Nous n'échappons pas à la règle. Le fameux "c'était mieux avant..." est de rigueur. Mais avant quoi? Et surtout de quoi cette phrase est-elle le symbole?
Chômage, peur de l'avenir, sentiment que les repères sont brouillés, crainte de ce que les sociologues appellent le "déclassement" désir de se retrouver dans un "entre-soi" réputé sécurisant, brouillages culturels et identitaires...les causes en sont nombreuses. Le comportement électoral et politique de nos concitoyens n'échappent pas à ce phénomène. Mais il repose sur un parodoxe: l'affirmation d'un âge d'or nécessairement révolu et que l'on veut à toute force retrouver...Comme un goût de paradis perdu.
Le FN surfe littéralement sur cette vague et certains de ses leaders le revendiquent même clairement. Je pense par exemple à Steeve Briois à Hénin-Beamont.
Mais la question que nous devons nous poser est la suivante: peut-on batir une politique sur la nostalgie? Cette question n'est pas anodine car la nostalgie est un sentiment très puissant mais qui peut-être très dangeureux. Tout d'abord parce que la nostalgie n'est qu'une construction plus ou moins mythique et une volonté de présenter le passé en fonction de considérations tout à fait actuelles. Il s'agit d'une tentation en réalité mortifère ou pour le moins décliniste, pour une collectivité. Certains n'y échappent pas à Dunkerque.
En fait cela nous interroge au plus profond de nous même en tant que collectivité humaine, en tant que ville, sur ce que nous sommes et sur ce que nous voulons être. Identité, culture et perspectives: voilà à quoi nous devons répondre. Voilà également à quoi doit répondre et à quoi répond notre liste "Tous ensemble, nous sommes Dunkerque!"
Dunkerque, ville frontière de tout temps, a toujours été dans l'obligation de se définir par rapport à ses voisins. Anglais, Bougignons, Flamands, Hollandais, Allemands, Espagnols, d'Empire Romain gremanique, Français...Ville frontière et de passage, elle fut en permanence dans son histoire confrontée aux violences politiques qui s'exprimaient dans le monde. Jusqu'à son anéantissement en 1940.
Aujourd'hui la frontière s'est déplacée. Je ne suis pas de ceux qui disent que les frontières disparaissent, c'est faux, elles ne font quer se déplacer, de manière physique où symbolique. Il en est de même de notre identité, notamment urbaine. Car il y a un lien très étroit entre l'idée de la frontière et la construction de notre identité.
Dunkerque s'est profondément transformée. Parce qu'elle a connu un choc gigantesque avec la fin des Chantiers de France et qu'il a fallu repenser l'ensemble de la Ville. Un nouveau Dunkerque est né. Avec le Grand Large, le Pôle Marine et la liaison Carré de la Vieille et Jeu de Mail, la reconquête des espaces maritimes. Le centre de gravité de l'hyper-centre a bougé. Ce résultat est celui de plus de vingt ans de travail. il a été pensé, voulu, organisé, mis en oeuvre...par certains qui aujourd'hui le combattent, ce qui, il faut bien le reconnaître, manque pour le moins de sérieux.
Un tel travail touche bien sûr à l'identité d'un territoire et à la perception qu'il a de lui même. C'est aussi le moyen de l'organiser et de le préparer à l'époque qui vient, car ce travail gigantesque n'est pas achevé. Tout comme le Dunkerque de la Recontruction nous a préparé à la deuxième moitié du XXème siècle, Ce que nous avons entamé avec Michel Delebarre, arrime et prépare Dunkerque au XXIème siècle avec l'articulation des nouveaux espaces et ce que la Reconstruction nous a désormais laissé en héritage et comme patrimoine.
Car la nouvelle frontière est là. Ville de référence dans un univers ou désormais plus de la moitié de la population du monde est urbaine. Où celles et ceux qui vont capitaliser le plus d'expérience dans ce domaine, bénéficieront davantages comparatifs énormes. Ville française et patriote par excellence, nous avons que notre puissance industrielle, potuaire et énergétique font de notre territoire, une ligne de front de la mondialisation. Loin d'^tre un handicap, c'est au contraire un atout colossal pour l'avenir.
Dans ces conditions, si les tentations de la nostalgie et du village d'antan peuvent avoir un certain charme, elle ne feraient que nous condamner à coup sûr. A ce titre, le rappel aux calculs politiques des années 50 est tout à fait révélateur. Dunkerque ville de Corsaires, ne peut se satisfaire d'un destin à la petite semaine. Seul l'exception lui convient.